Pour aller plus loin : exemples de recherche fondamentale financée par l’État

Modifié par Algan_econofides

Étudions maintenant plusieurs exemples de recherche fondamentale financée par l’État et qui donneront lieu à des innovations majeures dans plusieurs domaines d’activités. Les politiques publiques cherchent ainsi à diffuser les innovations bénéfiques pour la société, tout en procurant des récompenses suffisantes à ceux qui innovent.

Les origines de l’ordinateur et, par extension, la révolution de l’information tout entière, illustrent bien le rôle que joue l’État dans le processus d’innovation lui-même. Pour rappel, nous utilisons le mot innovation pour désigner aussi bien le développement de nouvelles méthodes de production et de nouveaux produits.

Les origines de la révolution des technologies de l’information remontent à la construction des premiers ordinateurs électroniques après la Seconde Guerre mondiale, bien que, comme dans toute technologie, certains de leurs composants soient plus anciens. Charles Babbage mit tout d’abord au point un ordinateur sous la forme de la machine à différences dans un article publié en 1822 (le gouvernement britannique subventionna son développement) et son idée aida Ada Lovelace à développer le premier programme pour ordinateur.

Les efforts des gouvernements britannique et nord-américain pendant et après la Seconde Guerre mondiale permirent l’invention de machines électroniques programmables.

Aux États-Unis, l’objectif initial reposait sur le développement de systèmes de missiles, puis se porta sur le Projet Manhattan visant à développer la bombe atomique. Ces projets nécessitaient d’effectuer un nombre considérable de calculs rapides, aussi bien pour la balistique que pour prévoir les réactions atomiques. Les fonds du gouvernement américain servirent à financer les travaux de groupes privés, tels que les Bell Labs dans le New Jersey, et des centres de recherche fédéraux, comme Los Alamos. Un partenariat étroit s’établit alors entre le secteur privé, les organismes publics et les universités, menant à la construction de la machine Eniac en 1946 sous l’égide de l’armée américaine. Il s’agissait du premier ordinateur électronique, mais il ne pouvait pas stocker de programmes. D’autres innovations suivirent rapidement, comme le développement du transistor par William Shockley aux Bell Labs en 1948 et la création de nouvelles entreprises, comme Fairchild Semiconductor.

Le soutien du gouvernement américain à ce secteur se poursuivit via un financement de la recherche, permettant notamment la création d’Internet (en 1969) dans le cadre d’un projet financé par l’agence pour les projets de recherche avancée de défense américaine, la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency).

Au Royaume-Uni, les premiers progrès dans le domaine informatique furent concentrés à Bletchley Park où le mathématicien Alan Turing travailla sur le déchiffrage du code allemand Enigma. La machine Colossus, qui y fut développée, resta secrète jusque dans les années 1970, mais les scientifiques et ingénieurs de Bletchley Park poursuivirent leurs travaux de recherche avec la construction en 1948 du premier ordinateur d’après-guerre pouvant stocker des programmes, appelé Baby, à l’université de Manchester. Le développement commercial des ordinateurs suivit rapidement, effectué par des entreprises comme Ferranti. Ce modèle de financement de la recherche initiale par l’État, via des organismes publics, dont l’armée ou les universités, permet bien souvent de trouver des applications économiques et commerciales.

À l’instar des industries informatiques et électroniques, Internet et le World Wide Web (créé par Tim Berners-Lee au laboratoire de recherche du CERN financé par un consortium de pays), les secteurs de la pharmacie et des biotechnologies modernes, ainsi que les applications commerciales de nouveaux matériaux, tels que le graphène, trouvent tous leur origine dans la recherche fondamentale et un développement initial financé par les pouvoirs publics. Les écrans tactiles et la souris d’ordinateur sont également le résultat d’une recherche financée par les pouvoirs publics aux États-Unis.

Mariana Mazzucato, une économiste spécialiste des causes et des conséquences de l’innovation, utilise l’exemple de quelques innovations numériques fondamentales, telles qu’Internet, le GPS et les écrans tactiles, pour montrer que l’État joue un rôle essentiel dans le financement de la recherche et des start-up technologiques. Elle ne voit pas seulement l’État comme un acteur chargé de s’occuper des activités dont le marché ne s’occupe pas, par exemple lorsque les rendements sont trop incertains, mais aussi comme un acteur capable de décider à quels types d’activité le secteur privé devrait s’intéresser. Selon elle, les investissements stratégiques du gouvernement américain, par exemple, aident à expliquer la domination des entreprises américaines dans les secteurs de haute technologie, incluant le numérique et les biotechnologies.

Dans la Vidéo : « Le gouvernement : investisseur, preneur de risques, innovateur », Mariana Mazzucato suggère que les États devraient commencer à investir dans des entreprises technologiques, afin d’obtenir un rendement sur les financements qu’ils réalisent dans la recherche.


Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/ses-terminale-specialite ou directement le fichier ZIP
Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0